Dissociation du bâti & du foncier :
la fin du droit de propriété ?

Depuis quelques jours, il flotte comme un parfum de scandale et de polémique sur les forums de discussion entre investisseurs immobilier. Si la menace semblait lointaine les premiers jours, elle se confirme davantage chaque jour. Quelle en est la cause ? Tout simplement un amendement visant à permettre la dissociation du foncier et du bâti et donc à créer un troisième mode de propriété.

Alors, avez-vous raison d’avoir peur ? Nous dirigeons nous vers une propriété immobilière emphytéotique  telle qu’elle existe dans les pays Anglo-Saxons ? 

Tout d’abord et à toutes fins utiles, cette proposition de mise en place d’une dissociation du bâti et du foncier fait partie d’un ensemble bien plus important de propositions visant à réguler l’inflation galopante du foncier en France. Par ailleurs, cette proposition n’est pas encore applicable en l’état et personne ne peut en prédire la portée.

C’est pourtant bien cette proposition qui cristallise aujourd’hui les tensions et les critiques puisqu’elle remet en cause notre conception historique de la propriété immobilière. 

Les raisons de cette proposition sont les suivantes : 

  • Une inflation ininterrompue des prix du foncier français (+71% en 10 ans)
  • Une accession à la propriété toujours plus complexe pour les ménages français
A terme, l’application de cet amendement pourrait donc mener à la création d’une troisième modalité de propriété proche du Leasehold Estate anglais. Un achat immobilier pourrait donc porter uniquement sur le bâti avec bail sur le foncier.
 

Mais pour vous, investisseurs immobiliers, quelles pourraient être les conséquences

Etre un bon français, c’est exécrer le changement. Mais est-ce à raison ?

Dissocier bâti et foncier : Une évolution plus qu'une innovation

Si cette idée fait l’effet d’une bombe dans le cercle restreint de l’investissement immobilier, la dissociation du bâti et du foncier n’est en rien un procédé nouveau ou novateur en France.

En effet, cette logique de détention du foncier par un organisme public est déjà monnaie courante dans la politique sociale d’accession à la propriété. Elle comporte de nombreux avantages :

  • Régulation de la création de logement selon les réels besoin géographiques
  • Aide à l’accession pour les ménages populaires (réduction de 15% à 30% du prix d’acquisition)
  • Régulation des prix du foncier (le foncier n’est jamais revendu)
  • Régulation de la spéculation immobilière dans son ensemble (la vente des droits sur le bâti est régulée)

En pratique dans ces projets de politique sociale, le foncier est détenu par un organisme de foncier solidaire (OFS) afin de permettre la construction de logements par un promoteur immobilier qui les commercialise ensuite sous la forme de baux réels solidaires.

Le promoteur immobilier peut donc vendre le bâti mais pas le foncier qui appartient à l’OFS. L’acheteur du bâti doit alors régler une redevance correspondant au foncier en plus de son crédit immobilier classique.

Voici le fonctionnement actuel de ce modèle d’accession dissocié à la propriété :

Source : www.hlm.coop

Seulement, ce type d’opération en dissociation de propriété est pour le moment réservé à la politique sociale immobilière sur des terrains possédés ou achetés par un OFS. 

Les organismes de fonciers solidaires peuvent aussi consentir un bail emphytéotique à un bailleur social afin de construire des logements sociaux qui seront par la suite mis en location.

Quels développements pour quelles conséquences possibles ?

La volonté affichée de cet amendement pour la dissociation du bâti et du foncier n’est donc pas une innovation ou une création nouvelle. Il traduit cependant la volonté gouvernementale de démocratiser le fonctionnement des OFS à l’extérieur même du périmètre social. 

Le but est donc d’œuvrer pour la création d’organismes fonciers (OF) dont la mission serait d’acquérir et de gérer un patrimoine foncier bâti et non bâti afin de reprendre le contrôle du développement urbain des villes et périphéries. 

Il apparaît évident que ces OF seraient incarnées par les communes et collectivités locales qui sont les mieux placées et les plus légitimes pour assurer cette nouvelle mission. Le contour de leurs activités concrètes est cependant encore flou. 

Alors à quoi s’attendre ? Voici une liste non exhaustive

  • Acquisition de friches industrielles en vue de leur réhabilitation 
  • Acquisition de foncier non bâti dans une logique de contrôle du développement urbain
  • Acquisition de foncier bâti en vue d’une restructuration du paysage urbain notamment en zone tendue
  • Gestion du bâti acquis en vue de réintroduire une certaine mixité sociale en zone tendue
  • Gestion du bâti acquis en vue de de rétablir un équilibre entre logement, commerce et bureaux
Vous l’aurez compris, le risque majeur pour les propriétaires immobiliers est que ces acquisitions foncières se fassent par le jeu du droit de préemption ou de l’expropriation pour les cas les plus extrêmes.

 

Si la peur de l’abus de l’Etat est compréhensible et est la source d’une riche jurisprudence administrative sur plus d’un siècle, il semble un peu tôt cependant pour crier à la destruction du droit de propriété ou encore à l’atteinte aux droits fondamentaux des propriétaires immobiliers.

Cette évolution juridique est pour le moment empreinte de bonne volonté notamment dans le contrôle du développement urbain et dans la facilitation de l’accession à la propriété pour les ménages, si différente soit-elle.

Seul le temps pourra nous dire si les collectivités locales font bon usage de cette nouvelle prérogative qui pourrait apporter beaucoup et qui est par ailleurs très bien accueillie par les professionnels de la promotion immobilière.

Et pour conclure : rien n’est encore fait alors pas de précipitation ou de peur irraisonnée, tout changement n’est pas mauvais, même en France !

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