Doublement du plafond du déficit foncier : piège ou opportunité ?
Nouveauté sur le Déficit Foncier pour 2023 ! La Loi de Finances rectificative adoptée en décembre 2022 contient un amendement adopté en première lecture par l’Assemblée nationale permettant le doublement du déficit imputable sur vos revenus globaux au titre du déficit foncier.
Cette loi vise à palier les exigences de la Loi Climat qui, depuis janvier 2023, vise à réduire de façon progressive le nombre de logements énergivores communément appelés « passoires thermiques ».
Devant le coût significatif de ces rénovations énergétiques imposées aux bailleurs, l’Etat a décidé d’accompagner financièrement les bailleurs dans la lutte contre les passoires thermiques en doublant le plafond du déficit foncier (initialement fixé à 10 700 euros).
Présenté ainsi, tous les propriétaires devraient foncer et profiter au maximum de cette nouvelle incitation fiscale afin de sauvegarder la valeur de leurs biens et la possibilité de les louer, mais cela vaut-il réellement le coup ? Voyons cela ensemble.
Le déficit foncier, c'est quoi ?
Pour bénéficier de cet avantage fiscal, vous devez être propriétaire d’un logement mis en location nue et être sous le régime d’imposition au réel (déduction des charges réelles sur les revenus fonciers annuels à la différence du microfoncier).
Sous l’égide du régime réel, vous pouvez donc déduire de vos revenus foncier certaines charges. Il peut arriver que vos charges soient supérieures à vos revenus foncier, cet excédent pourra alors être imputé sur vos revenus globaux au titre du déficit foncier à l’exception des intérêts d’emprunts
Néanmoins, cette déduction au titre du déficit foncier est limitée 10 700 euros et à 15 300 euros si le bien concerné bénéficie d’un dispositif fiscal « Périssol » ou « Cosse ancien ».
Toutes les charges ne sont pas déductibles, elles sont prévues limitativement :
- Les primes d’assurance
- La taxe foncière
- L’indemnité d’éviction ou de relogement d’un locataire
- Les dépenses de réparation et d’entretien etc.
En synthèse toutes les charges provenant des travaux d’entretien, d’amélioration et de réparation sur le logement concerné. Par ailleurs et comme précisé précédemment, les intérêts d’emprunts ne pourront être déduits que des revenus fonciers et éventuellement reportés sur une durée de 10 ans.
Revenus fonciers : 1 500 €
Charges (TF, travaux etc.) : 2 900 €
Intérêts d’emprunts : 2 100 €
Ce sont les intérêts d’emprunts qui s’imputent en premier sur les revenus fonciers soit :
1 500 € – 2 100 € = – 600 €
Ces 600 € seront reportables sur vos revenus fonciers N+1
Les autres charges (2 900 €) seront imputées sur votre revenu global au titre du déficit foncier.
La déclaration des revenus fonciers se fait sur l’annexe de déclaration de revenus n°2044 et l’administration fiscale calcule d’elle-même le déficit reportable pour les années suivantes.
21 400 € de déficit foncier contre 10 700 € auparavant, quelle différence ?
Cette loi a été adoptée dans le but d’apporter une réponse aux bailleurs et propriétaires-bailleurs qui demandaient des aides d’urgence pour rénover de manière importante leur(s) logement(s) classé(s) passoire(s) thermique(s) et dont la mise en location n’est plus possible depuis le 1er Janvier 2023.
Cette problématique de performance énergétique étant récente, une importante partie du parc immobilier constitué il y a plus de 30 ans n’a jamais fait l’objet de travaux significatifs de rénovation thermique. Il en résulte aujourd’hui un coût souvent trop important pour les propriétaires bailleurs ne disposant pas de fonds ou d’une capacité d’emprunt suffisante.
Dans cette situation, l’Etat se devait d’apporter une réponse et un accompagnement pour répondre à ce défi. C’est chose faite avec ce doublement du plafond du déficit foncier qui passe à 21 400 € pour les années 2023 à 2025 au moins.
Pour bénéficier de cet avantage, vous devez :
- Réaliser les travaux entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2025 ;
- Ces travaux doivent porter sur la rénovation énergétique du logement ;
- Ces travaux doivent avoir pour effet de faire passer le logement d’une classe énergétique E, F OU G vers les classes les plus performantes A, B ou C avant le 31 décembre 2025.
Imputation du déficit foncier : obligatoire ou facultatif ?
Concernant la première tranche de 10 700 euros il est important de spécifier que le fisc impose l’imputation immédiate du déficit sur le montant global. C’est-à-dire que la première déduction se fera sur les salaires et par la suite s’il s’avère que vous disposez d’un déficit plus important que 10 700 euros cette somme sera considérée comme un déficit reportable et ne pourra être imputée que sur les revenus fonciers. Cette méthode oblige également à mettre en location votre bien pendant une période de 3 ans.
S’agissant de la deuxième tranche de 10 700 euros, donc le doublement de la première tranche, nous ne connaissons pas encore les modalités pratiques d’imputation.
Cette deuxième tranche étant conditionnée (nature des travaux, gains énergétiques), il paraît logique qu’elle soit optionnelle.
Néanmoins, il faudra attendre pour connaître les modalités d’applications liées à ce doublement du déficit foncier qui ne sera en vigueur que pour la déclaration de revenus de l’année prochaine.
Devez-vous profiter de ce doublement du plafond du déficit foncier ?
On constate que cette volonté du législateur peut-être un piège en matière d’optimisation de votre fiscalité. Projetons-nous donc sur ce changement qui nous présente le fait de doubler le déficit foncier comme la réponse parfaite aux besoins de rénovation énergétique. Il est important de noter que le fait de déduire dès la première année 21 400 euros de ses revenus globaux ne permet pas automatiquement de payer moins d’impôts prenons un petit exemple :
Mme Patrimoine crée un déficit foncier de 40 000 euros après des travaux ; elle se demande s’il serait intéressant de doubler son déficit car son déficit est important : sa TMI est de 30%
Si Mme Patrimoine veut imputer ce double déficit elle aura une réduction de :
21 400 € * 32,90 % (IR+PS non déductibles) donc 7 041 € de gain sur ses impôts.
Si Mme Patrimoine passe par un chemin classique alors elle imputera 10 700 € au titre déficit foncier :
Donc 10 700 € * 32,90%% soit 3 520 euros d’économie à TMI constante
Ensuite, sur les années suivantes elle imputera les 10 700 € restants sur son revenu foncier soit :
10 700 € *47,20% (IR+PS) = 5 050 € + 3 520 € donc plus de 8000 € d’économie dans cette configuration.
Une réelle différence existe donc entre les deux stratégies.
Par ailleurs, cet exemple suppose une imputation à TMI constante. Or, l’imputation d’un déficit de 21 400 € sur une unique année d’imposition présente un risque : Celui d’imputer une partie de ce déficit sur une TMI plus faible, voire sur des revenus qui ne seraient pas fiscalisés.
Il en résulte un risque de perte d’optimisation de votre fiscalité.
En conclusion
Certes cette intention de favoriser et d’accompagner les travaux énergétiques est louable. Cependant il faut mettre souligner le caractère multifactoriel des différentes difficultés rencontrés comme le fait de réaliser des travaux dans un logement en copropriété avec le règlement et l’aval qui devra être donné en assemblée générale.
Depuis la modification du DPE en 2021, il subsiste des interrogations sur sa fiabilité. Ainsi, de nombreuses enquêtes démontrent le caractère encore très aléatoire de ces DPE. Cela pose une difficulté supplémentaire puisqu’il n’est pas admissible d’engager de lourds travaux sans garantie d’en voir le résultat sur le DPE faisant foi.
Pour conclure :
Ce doublement du plafond du déficit foncier constitue-t-il une réponse complète à la problématique de rénovation énergétique ? Assurément non.
Devez-vous utiliser ce mécanisme dans une optique d’optimisation de votre fiscalité ? Assurément non.
Le législateur maîtrise-t-il les subtilités fiscales de l’investissement locatif ? Assurément non.
Rappelez-vous, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et le conseil d’un expert vous permettra de prendre les bonnes décisions !
Pourquoi pas Reims Patrimoine ?