De l'esprit de l'investissement immobilier
L’investissement immobilier locatif, vaste sujet très à la mode actuellement. On ne compte plus les clubs d’investissements, les Ebooks, les formations et coaching … Je reçois moi même régulièrement des emails me promettant qu’un étudiant sans revenus à déjà acquis de nombreux appartements et sera indépendant financièrement rapidement. Qui sait, peut être même avant la fin de ses études ?
Dites que vous doutez, vous serez rangés au rang des sceptiques refusant l’idée de l’indépendance financière pour tous. Enfin non pas pour tous, seulement pour les motivés !
Aucune volonté de ma part de critiquer l’investissement immobilier, je prône la diversification des investissements et il faut reconnaître à l’immobilier des avantages non négligeables :
- L’effet de levier du crédit bancaire vous permettant de produire un rendement sur une valeur X née de l’emprunt
- La création de valeur patrimoniale dans un secteur historiquement plus stable que les marchés financiers
- La possibilité de financer l’investissement partiellement via les loyers
- L’assurance (c’est le mot) de laisser un patrimoine en cas de décès pendant la durée de l’emprunt
Aucun autre secteur d’investissement ne permet de jouer avec l’argent des établissements bancaires, essayez donc d’obtenir un prêt pour investir en bourse, effet garanti sur votre banquier.
Pour autant, l’immobilier présente aussi des inconvénients et points d’attentions :
- Le risque de vacance locative et de dégradations
- L’indisponibilité des capitaux
- L’impact de la fiscalité
- les charges diverses (taxes, copropriété, rénovations)
L’immobilier est incontournable dans une logique de création de valeur et de constitution de patrimoine grâce à la possibilité d’acquérir un bien via l’emprunt, aucun doute là dessus.
Mais remettons l’église au milieu du village : il n’existe pas une unique conception de l’investissement locatif comme on pourrait le croire en cette époque de chasse au meilleur rendement ou au plus gros cash flow (génération de trésorerie).
Si un retour à l’esprit même de l’investissement vous intéresse, venez avec moi, faisons un petit tour du propriétaire !
Achetez bas, faites des travaux, gros cash flow en vue capitaine !
La vision financière de l'immobilier
C’est l’idéologie du moment selon laquelle un bon investissement est un investissement apportant du rendement. Jusque là, rien de bien choquant, qui voudrait perdre de l’argent en investissant ?
L’idée est assez simple : en partant du principe qu’un bien immobilier n’est rien d’autre qu’un capital immobilisé et indisponible, son rendement doit être suffisamment élevé pour justifier cet investissement.
En d’autres termes, votre bien immobilier dont la valeur est de 200 000 € n’est pas différent d’un placement financier du même montant.
La constante et peut être même la faille de cette conception est la recherche perpétuelle du meilleur rendement possible.
Commençons par la détermination de ce rendement.
Calcul du rendement sans emprunt
Votre bien immobilier n’est plus grevé d’un emprunt bancaire, vous encaissez chaque mois un loyer qui constitue le rendement de votre investissement.
Le rendement brut est calculé de la manière suivante :
Loyer annuel / valeur du bien = rendement brut
Exemple chiffré :
Vous possédez un appartement à Reims d’une valeur de 130 000 € pour un loyer mensuel de 550€.
Le rendement brut est donc égal à : 6600 / 130000 = 5,07%
Soyons clairs, le rendement brut dans cette situation n’est pas pertinent, votre rendement réel est bien inférieur en réalité.
Vous avez en effet plus intérêt à calculer le rendement net de charges (travaux, fiscalité, taxes, charges diverses)
Le calcul est quasiment le même sauf que vos charges seront retranchées des loyers encaissés, la différence est souvent saisissante !
Calcul du rendement en cours d'emprunt
Calcul un petit peu plus complexe mais aussi surement le calcul le plus utilisé pour démontrer la supériorité de l’immobilier sur l’épargne classique dans une optique de création de valeur.
L’objectif est le suivant : déterminer quelle somme sera réellement versée de votre poche afin d’acquérir un bien immobilier. En effet, le remboursement de l’emprunt sera partiellement couvert par les loyers perçus.
Il ne s’agit donc pas de connaître le rendement annuel mais bien de déterminer le rapport entre votre effort d’épargne et le capital obtenu à la fin de l’emprunt.
Exemple chiffré :
Le postulat est le suivant : achat à crédit d’un bien immobilier d’une valeur de 150 000 €.
Crédit sur 15 ans à 1,10% et assurance à 0,20% soit une mensualité de 929,35 €.
Charges globales estimées à 35% des loyers perçus.
Loyer perçu : 550 € mensuel soit 6 600 € (4 290 € net)
Dans le cadre d’une épargne classique (rendement nul), il faudrait mettre 833 € de côté par mois pour atteindre 150 000 € au bout de 15 ans.
Dans la cadre d’un versement mensuel en Assurance-vie (rendement : 1,50%), il faudrait mettre de côté 743,30 € par mois pour atteindre 150 000 € au bout de 15 ans.
Pour l’investissement immobilier de l’exemple, les loyers nets permettraient de faire baisser votre effort d’épargne mensuel à 571,85 € par mois pour obtenir un bien immobilier valant 150 000 € au bout de 15 ans.
Soit 102 933 € versé de votre poche pour obtenir un capital de 150 000 € au bout de 15 ans contre 133 794 € dans le cadre d’un versement mensuel sur contrat d’assurance-vie.
Intérêt de ces calculs
Ces calculs sont incontournables tant pour juger de l’opportunité d’un investissement immobilier que pour vérifier que votre investissement déjà réalisé correspond toujours à vos standards de rendement.
Le rendement est fonction de la valeur de votre bien immobilier, ce qui suppose qu’une augmentation de sa valeur fait mécaniquement baisser votre rendement. C’est pourquoi vous devez régulièrement procéder à une réactualisation de la valeur de votre bien pour décider de le conserver ou au contraire de le céder afin de concrétiser la plus-value latente.
Exemple chiffré :
Reprenons l’exemple de notre bien immobilier précédent acheté 150 000 € et rapportant 4 290 € net de charges. Son rendement annuel selon la valeur d’achat est de 2,86%.
Imaginons que votre bien soit situé dans une zone en développement et que quelques années plus tard, sa valeur latente soit estimée à 170 000 €. Son rendement annuel passera alors à 2,52%.
Dans une optique purement financière, il est opportun de vendre ce bien afin de récupérer de la trésorerie disponible et de retrouver par ailleurs un nouvel investissement immobilier ayant un meilleur rendement.
Note : Les loyers n’évoluent pas proportionnellement à l’appréciation d’un bien immobilier du fait de la réglementation applicable aux baux d’habitation.
Une vision clinique de l'investissement immobilier
Cette conception ne prend pas en considération une visée patrimoniale ou de transmission, elle est plutôt un outil terriblement efficace de création de valeur grâce à l’effet de levier du crédit.
Nul sentiment ou attachement à la pierre n’intervient ici, pour autant cette vision de l’investissement est certainement la plus opportune dans une visée de création de patrimoine lors de votre entrée dans la vie active.
La vision patrimoniale de l'immobilier
Vision plus traditionnelle de l’immobilier en France : l’amour de la pierre et l’envie de transmettre aux futures générations des biens de qualité. Il n’est pas question ici d’arbitrages financiers ou de la quête du meilleur rendement possible. Il est plutôt question de créer un patrimoine immobilier résistant aux crises et ayant un potentiel fort de revalorisation sur le long terme
Ce n’est pas un hasard si le meilleur investissement immobilier de ces 20 dernières années est l’investissement Parisien avec une augmentation moyenne de 383% soit 20% par an depuis 2000. Et cela sans considérer le rendement locatif.
A titre de comparaison, des villes moyennes comme Orléans ou Brest ont enregistré une appréciation de l’immobilier bien plus contenue de 90% environ sur les 20 dernières années. Avec à la clef un rendement locatif naturellement plus élevé et stable.
Au jeu de la plus forte augmentation des prix de l’immobilier en province, Bordeaux et Lyon tirent leur épingle du jeu avec une appréciation supérieur à 200% sur les 20 dernières années.
Si l’on considère que l’immobilier parisien ne pourra reproduire pareille performance sur les prochaines décennies, peut-être faut-il se demander quelle sera la prochaine destination phare des parisiens en recherche d’une meilleure qualité de vie. Car c’est certainement là que se cache un fort potentiel de valorisation future !
Comme vous le voyez, la recherche d’un rendement optimisé n’est pas des plus compatibles avec une vision de long terme et une recherche de plus-value puisque l’augmentation de la valeur d’un bien conduit mécaniquement à l’écrasement du rendement locatif malgré l’augmentation des loyers.
Deux visions pour deux objectifs, question d'âge ?
Contrairement à la mode actuelle des solutions miracles, il n’existe pas de mauvaise ou de bonne stratégie d’investissement en tant que telle. Ce sont vos objectifs qui doivent dicter votre choix de stratégie immobilière. Et souvent ces objectifs évoluent avec l’âge.
Si vous êtes jeunes et que vous souhaitez vous créer du patrimoine ou encore que vous recherchez des revenus complémentaires, la vision financière est tout indiquée puisqu’elle suppose une optimisation du rendement et donc de vos revenus fonciers vis à vis de la valeur de votre actif immobilier.
Si au contraire votre vision va au delà de votre propre existence et que la transmission d’un patrimoine à vos enfants est une priorité, alors une stratégie patrimoniale garantira à vos enfants de recevoir un patrimoine immobilier de qualité et au potentiel de revalorisation élevé.
Naturellement, ces deux visions peuvent être conciliées soit en sectorisant vos investissements selon l’objectif soit en diluant chacun de ces objectifs lors de vos investissements.